Paul Morand visionnaire
Morand : un écolo-altermondialiste ?
Il ne s’agit pas de faire ici un nouveau portrait de Paul Morand, venant s’ajouter aux nombreux ouvrages qui lui ont déjà été consacrés, et à ceux qui sortent et qui vont sortir. C’est d’ailleurs en lisant l’un d’eux, l’excellente introduction d’Olivier Aubertin pour Bains de mer, bains de rêve et autres voyages, paru l’an dernier dans la collection Bouquins, et l’ensemble des textes rassemblés dans cet ouvrage, que j’ai pris conscience d’un aspect de l’écrivain qui n’a jamais jusqu’ici été mis en avant : son côté visionnaire. Celui-ci ne s’est pas traduit par des ouvrages savants, Morand se contentant de parsemer son œuvre de prémonitions dont nous pouvons vérifier aujourd’hui le bien fondé.
Parcourant le monde il regarde, il observe. Son intuition l’amène à des conclusions qui, lorsqu’il les a écrites, ont dû choquer ses contemporains ; pour nous qui les voyons se réaliser elles nous apparaissent évidentes. Ainsi quand il écrit que : « Les Chinois que vous méprisez ne dorment que d’un œil, les Africains qui ont pris du retard dans leur évolution par rapport à notre civilisation mécanique, ont un regard sur le monde qui est peut-être plus spirituel que celui de nos mécaniciens, plus affiné, plus avancé que le nôtre. » nous pensons à l’évolution de la Chine depuis les années vingt, alors qu’elle est aujourd’hui en passe de devenir la première puissance mondiale, et nous avons en tête ces études récentes qui nous prédisent que l’Afrique est le continent de l’avenir.
Au-delà de cette observation ponctuelle, sa réflexion va plus loin, renforcée par sa certitude de l’accroissement du nombre d’humains sur la terre et du péril que cela présente pour les blancs : « L’Institut Pasteur, les fondations Rockefeller, en empêchant de mourir les gens que la Providence, en sa sagesse, avait condamné dans des proportions utiles, auront plus fait contre notre race que les engins de guerre. » Prévision qui se vérifie puisque les chiffres officiels estiment, en 2030, la population mondiale à 9 milliards d’êtres humains (1 milliard d’européens et 8 milliards pour le reste du monde), alors qu’au moment où Morand écrit ces lignes nous n’étions que 2 milliards d’habitants sur la planète ; à son époque, la pénicilline n’existait pas et rien ne laissait présager cette formidable croissance.
Il en conclut, cinquante ans avant que l’homme ne mette le pied sur la Lune, qu’il faudra aller conquérir d’autres planètes et il pose la question suivante : « Le Mayflower décollant à l’aube pour Saturne, chargé des derniers blancs ? ».
L’accroissement des populations est une chose, encore faut-il qu’elles aient de quoi manger, or Morand constate, au gré de ses voyages, l’élargissement des zones désertiques et l’appauvrissement des terres, d’où sa réflexion : « …les Chinois et les Nègres viendront nous disputer les bonnes terres ; il y aura une lutte de races pour les meilleurs climats comme il y a une lutte de classes pour la possession des richesses. » Opinion qui à l’époque du colonialisme triomphant a dû paraître monstrueuse à ses contemporains. Comment ses lecteurs pouvaient-ils concevoir que ces peuples que nous avions colonisés, que nous tenions sous notre domination, que nous considérions comme des arriérés au regard de notre civilisation, de notre puissance économique, puissent un jour s’emparer de nos terres et nous tailler des croupières ? Et pourtant n’est-ce pas ce à quoi nous assistons aujourd’hui ? Ne nous arrive-t-il pas de lire sous la plume de certains écrivains ou journalistes que, dans nos pays, la lutte des races doit se substituer à la lutte des classes ?
A une époque où l’industrie était européenne ou américaine, où les pays africains et asiatiques, coloniaux ou non, tiraient l’essentiel de leurs richesses de l’agriculture Morand note : « Aucun travailleur, aucun commerçant blanc ne peut tenir à côté de jaunes dînant d’une graine de pastèque grillée. Nos syndiqués le savent-ils ? » Il pose dans ces lignes, cinquante ans avant que le problème ne soit d’actualité, le phénomène des délocalisations. Quelle prémonition !
Cette menace chinoise, que rien à l’époque ne pouvait laisser supposer, le fascine et il la note à nouveau dans Rien que la terre, dans sa description de Shanghai : « …elle est divisée en deux par une comète éclairante : c’est le Boulevard Joffre qui, du nord au sud, limite la concession française. Au-delà, un trou noir, et, on dirait, toute la Chine éveillée dans l’ombre et qui attend son heure. » Remarquons au passage le talent de Paul Morand. La force de l’image est telle que mieux qu’un long chapitre elle nous fait comprendre ce qui nous attend.
Au-delà des problèmes purement économiques ou démographiques il constate, en le regrettant, que : « La beauté affreuse de notre époque c’est que les races se sont mêlées sans se comprendre ni avoir eu le temps de se connaitre et d’apprendre à se supporter. »
Toutes ces réflexions ne sont pas l’expression d’un racisme latent, j’en veux pour preuve la phrase citée plus haut, mais il met en garde ses contemporains : les populations non-européennes sont différentes de nous mais pas inférieures.
Homme de son temps Morand, le cosmopolite, redoute « …les nations totalitaires, qui entendent se suffire à elles-mêmes ». Lorsqu’il écrit que « Les cérémonies ne sont pas le fait des démocraties. Les solennités coûteuses, l’apparat sont bien le pain des régimes absolus. » on pense à ces manifestations de dizaine de milliers de personnes organisées par l’Allemagne nazie, ou les pays communistes, dont les télévisions nous transmettent les images. Son inquiétude est toutefois tempérée car il pense que ces régimes sont fragiles, à l’image de celui des Incas qu’il décrit dans Air indien : « …le communisme inca, si efficace au début, avait fini par devenir une bureaucratie tellement centralisée, que les conquérants n’eurent qu’à bloquer le bulbe, qu’à s’emparer de Cuzco, pour paralyser aussitôt toute la machine. Il semble que l’homme ne puisse choisir qu’entre deux systèmes, politique ou économique : laisser grandir la cellule initiale, la famille, le clan ou la tribu, et c’est tôt ou tard la féodalité ou l’anarchie ; briser l’alliance du sang, le village, et constituer d’immenses groupements bientôt trop chargés au sommet et c’est l’écroulement subit. » Ces lignes, écrites en 1935, n’évoquent-elles pas la chute du mur de Berlin et l’écroulement du régime communiste soviétique ? Surtout lorsqu’il ajoute : « …de tristes surprises attendent les pays fermés et qui se croient, comme le Pérou Inca, à eux seuls « les quatre parties du monde ».
Cet « aristocrate du XVIIIème siècle », cet admirateur du Prince de Ligne, voudrait mettre un frein au nationalisme, lui fixer des limites, s’indignant d’autant plus qu’il a besoin, pour comprendre sa patrie, de la quitter, pour l’aimer, de la comparer aux autres ajoutant « la France c’est le microcosme de cet univers idéal… ; elle contient cent civilisations et mille horizons… ». Il constate que : « …en devenant nationalistes… les peuples ont développés ces terribles complexes qui empoisonnent la vie des hommes… », ajoutant « les foules modernes ne tolèrent même plus le compliment nuancé. Il leur faut l’apothéose sur cinq colonnes. Chez le peuple devenu roi la lèse-majesté court les rues. » Nous croyons voir les Champs-Elysées à un retour de Coupe du monde.
Devant le modernisme Paul Morand est émerveillé comme un enfant. Il sent tous les bouleversements qui arrivent : « A Rochester … des ateliers d’aviation se sont installés ; ils construisent un type d’appareil qui va modifier complètement les lignes aériennes britanniques…nous verrons sur les rives de la Manche converger le réseau mondial… ». Il pressent les bouleversements que l’avion va apporter dans les relations internationales quand il écrit que « …le travail des chancelleries commence à dépendre du rayon d’action, plus ou moins étendu, de tel ou tel avion…», sans aller jusqu’à imaginer que les dirigeants du monde entier passeront leur temps dans les avions pour se rencontrer, mettant fin ainsi, petit à petit, à l’importance du rôle des ambassadeurs.
Dans le même temps il se pose en permanence cette question que l’on devine en filigrane derrière chacun de ses écrits : dans quelle mesure tout cela ne va-t-il pas transformer nos modes de vie, notre civilisation et pourquoi pas l’homme lui-même ? Plus nous avançons dans sa lecture plus nous découvrons que sa préoccupation principale est de deviner le monde qui vient plutôt que de décrire celui qu’il voit.
Il est même rebuté par ce que tous ces changements vont entraîner. Raison sans doute pour laquelle lui qui fut baptisé « l’homme pressé », du nom de son livre dont on a dit, à tort, que le héros était à son image, lui qui collectionnait les voitures de sport, qui ne pouvait tenir en place, se révèle, par une contradiction bien humaine, un ennemi de la vitesse, qu’il a appelé « le seul vice nouveau », cause pour lui de tous les méfaits qu’il dénonce et contre laquelle il met ses lecteurs en garde. « La vitesse est fonction du moindre effort. On fait le plus rapidement possible les choses ennuyeuses ou pénibles ; voilà pourquoi les machines ont été inventées ; mais - et c’est une des erreurs du monde moderne - les loisirs ainsi conquis, au lieu d’en jouir, nous les avons consacrés à travailler davantage à surproduire ; …la vitesse engendre la surproduction. » Quel homme de gauche, quel écologiste, renierait ces mots ?
La vitesse ne lui parait pas plus recommandable sur le plan des voyages. Et il cite Drieu La Rochelle : « …la vitesse parcourant toute la terre renverse sur son passage tous les horizons … ». A ses yeux elle met en cause la vie elle-même. « Tandis que les médecins veulent allonger la vie, les hommes veulent l’élargir en y faisant tenir de plus en plus de choses : vivre vite c’est duper le sort, c’est vivre plusieurs fois…puisque la mort c’est l’immobilité le mouvement c’est la vie ; d’où beaucoup concluent que la grande vitesse c’est la grande vie. » Et de continuer : « …à l’heure actuelle, nous vivons quatre fois plus qu’il y a un siècle ; mais peut-être vivons-nous quatre fois moins bien, quatre fois moins fort ; peut-être y a-t-il une dépréciation de nos plaisirs comme il y a une dépréciation de la monnaie. ». Il a là près de cent ans d’avance sur ceux qui aujourd’hui prônent la vie lente d’autrefois, les adeptes modernes du retour à la chandelle et à la marine à voile, les bourgeois devenant éleveurs de chèvres sur le Larzac. Il ajoute avec beaucoup de tristesse : « Qui prend encore le temps, dans les grandes villes, de manger, de dormir, d’accompagner à pieds les morts au cimetière ? C’est la vitesse qui lézarde et disjoint notre vieux monde. ».
La vitesse lui apparaît de la part des hommes comme une nouvelle manière pour vaincre la mort. « Cette frénésie de jouir vite est l’indice de notre civilisation. » Néanmoins, rempli d’une contradiction bien humaine, après ces pages où il semble craindre la vitesse pour le monde qui vient il se récrie :
« Aimons la vitesse qui est le merveilleux moderne, mais vérifions toujours nos freins. »
Ces réflexions s’inscrivent dans la même logique que sa certitude que l’accroissement des populations, l’essor des moyens de communication, l’amplification de leur vitesse va transformer le monde en profondeur. Dans La route des Indes, publié en 1936, il décrit avec précision les grandes lignes du commerce international au XXIème siècle : « La Méditerranée n’était déjà plus bien grande ; voici que notre vitesse la tarit comme une soif ; bientôt la route des Indes deviendra un chemin vicinal. » Mieux encore le paragraphe suivant est prémonitoire : « De la route des Indes aérienne ou de la maritime laquelle triomphera ? Les voyageurs, sans aucun doute, prendront celle de l’air. Nos fils verront d’innombrables aéronefs sillonner le ciel bleu d’Egypte…ils les verront voler sous le ciel gris des tropiques, sous le ciel noir de l’Equateur. Mais les marchandises passeront-elles toujours par la voie la moins coûteuse, par Aden ? Les plus lourdes assurément, mais déjà les denrées rares et périssables qu’aiment l’Orient et que seule lui fournit l’Europe empruntent la nouvelle voie aérienne. On peut dire que tout ce qu’invente la mode…prend l’avion » N’est-ce pas ce que nous voyons ? Certes le trafic maritime a augmenté de 300% en vingt ans, du fait des minéraliers, des porte-conteneurs et des pétroliers, mais toutes les marchandises fragiles ou précieuses passent par l’avion.
Cet accroissement de la vitesse des transports et des communications aura forcément des conséquences sur la vie des populations.
Dès 1930, dans Conseils pour voyager sans argent, alors que les voyages sont encore le privilège d’une élite, il imagine le tourisme de masse que nous connaissons quand il écrit : « Le touriste aisé mène une vie peu hygiénique ; il dort trop, mange trop, ne fait pas d’exercice, souffre d’un foie engorgé, se plaint de tout….Il ne voit rien, contemple hâtivement des paysages que la publicité a vidés de leur sève… ». Il ajoute dans Rien que la terre : « Nous allons vers le tour du monde à quatre-vingt francs. »
Dans le même esprit il décrit ce que va devenir le côte espagnole : « …dès février, aux premières fleurs des amandiers, commence la ruée des nordiques vers le sud ; dès Pâques, l’épidémie de camping bat son plein ; entre Perpignan et Algésiras, il faudra, dans quelques années, retenir sa place sur le sable, comme une couchette dans un wagon-lit. » Cette invasion de touristes, qui troublent le calme des lieux qui lui sont chers, il se contente de la constater, de la décrire ; c’est pour lui l’avenir ; il ne maugrée pas, ne critique pas, c’est ainsi et il laisse entendre que c’est inévitable ; c’est la conséquence du développement de la vitesse et des moyens de communication. De même lorsqu’il imagine que « au rythme actuel il y aura bientôt aux Baléares plus de touristes que d’habitants ». Prévision qui s’est réalisée puisqu’en 2016 la population des Baléares était de l’ordre du million à comparer aux dix millions de touristes qui ont fréquenté les Iles cette année-là. Rien d’étonnant puisque comme il le souligne : « Changer d’air est devenu la principale préoccupation d’une humanité asphyxiée par la vie moderne. »
N'oublions pas toutefois que Morand est un diplomate et qu’il juge le monde à l’aune de la géopolitique. Il regarde il évalue, il tente de prévoir l’avenir : c’est son métier.
Sur des problèmes aujourd’hui brûlants et qui à l’époque n’était pas imaginables (l’Etat d’Israël est né en mai 1948) Paul Morand a montré une clairvoyance que ses contemporains n’avaient pas toujours. Dans les pages qu’il consacre à la Palestine, dans La route des Indes, cet homme considéré comme antisémite fait l’éloge du « Peuple juif », de son goût du travail, de sa créativité face à des Arabes qui ne font rien : « Je mesurais l’incroyable écart entre ces deux tribus du désert que des siècles, des millénaires avaient séparées et qui se retrouvaient aujourd’hui face à face ; l’une qui avait couru le monde et arraché à l’aryanisme les secrets de sa puissance ; l’autre, fataliste, immobile, inorganisée, qui n’avait rien vu, rien voulu apprendre. ». Il ne cache pas son admiration pour cette jeune nation naissante parlant d’une jeunesse qui éclate d’une énergie forcenée, ébloui par l’exploitation des terres désertiques transformées en jardin, déclarant : « Si les juifs ne se sentaient pas guettés de très près par leurs ennemis, en peu d’année les terres voisines, la Transjordanie et la Syrie seraient à leur tour défrichées, cultivées, exploitées. » Il ajoute enfin : « Mais les Arabes le permettront-ils ? Auprès de ces fanatiques de la pureté raciale les hitlériens sont de bien récentes et anémiques recrues du racisme. » DE nos jours plutôt que d’antisémitisme il serait accusé d’islamophobie.
Mais cette admiration ne le rend pas moins lucide lorsqu’il écrit : « …unis devant l’étranger ou l’Arabe ennemi, les israélites me sont apparus fort divisés entre eux ; divisés par le vieil esprit talmudique d’abord…divisés surtout par cette opposition millénaire qui remplit tout l’ancien testament : les rois contre les prophètes ; le Roi, politique, sensuel, fastueux ; le prophète fanatique et puritain. » N’est-ce pas ce que nous voyons en Israël cette lutte entre les partis religieux et la masse de la population qui rêve d’un état laïque à l’Occidentale ?
Du haut de sa terrasse de Tanger réfléchissant à l’Europe et à son avenir il ne se trompe pas en écrivant : « …il lui reste à suivre à distance les Etats-Unis et à ramasser ce qu’ils lui jettent ; comme elle n’inspire plus confiance, on la paie à la tâche. Cette tâche c’est de balayer et de recoller les pots cassés ; elle est de corvée de pots ; le pot proche Orient, le pot Nord-Africain, le pot Allemand. ». Son regret c’est que l’évolution des choses ne laisse plus du temps au temps. Cet homme, marié à une princesse roumaine d’origine grecque, qui a écrit des pages admirables sur Venise, admirateur du Prince de Ligne, dont le plus beau roman sans doute se déroule en Andalousie, est un Européen convaincu mais évoquant les Etats-Unis d’Europe il estime « qu’il faudra des centaines d’années, toute une éducation, des saints, des martyrs, pour que des individus ordinaires puissent vivre en commun, s’ils ne parlent pas la même langue. » N’est-ce pas la réflexion que nous pouvons nous faire lorsque nous observons les soubresauts de l’Europe, les douleurs et les lenteurs de l’accouchement, craignant à chaque instant que l’enfant ne soit mort-né ?
Ce qui est remarquable dans l’écriture de Paul Morand c’est qu’il ne décortique pas, il ne disserte pas. Il a des fulgurances, des visions. Ainsi dans Air indien il écrit parlant de l’Océan Pacifique ces mots prémonitoires : « Océan de la peur et de la solitude…où l’Asie et l’extrême Europe règleront demain le sort du monde. » Il va, voyage, observe, compare l’état de l’Europe usée, fatiguée par les conflits et il voit ces populations jeunes et immenses dont le poids dans l’avenir sera considérable.
Ce sismologue de la société humaine observe bien d’autres failles ; ainsi considère-t-il la situation de l’Indien des Andes « qui n’a jamais rien pu posséder depuis Pizarre » et pense qu’à l’inverse des révolutions de l’Indépendance faites « par des métis menés par des blancs créoles et francs-maçons contre la métropole…la deuxième partie du drame, la révolution sociale, sera faite par les Indiens purs, menés cette fois par les métis, à l’instigation de la IIIème internationale. » N’est-ce pas ce qui a poussé Chavez au pouvoir ?
La lecture de Morand amène à la conclusion suivante : lui, l’Européen, enfant de la culture de ce continent, nostalgique d’un monde en voie de disparition juge très sévèrement l’évolution en cours. Il voit disparaître tout ce qu’il aime, il considère que ces changements ne sont pas bons pour l’homme. Aujourd’hui il ne serait pas un partisan de la mondialisation et il juge sévèrement l’action des nations européennes qu’il considère dangereuse pour l’avenir lorsque prévoyant l’évolution du monde il écrit dans Retour d’Orient, enquête publiée dans Les Nouvelles littéraires en 1926 « L’affreux spectacle du monde occidental aux abois, contaminant l’Orient, et de l’univers à la veille de sombrer dans un machinisme déréglé, dans l’abus des besoins absurdes et des plaisirs faciles… » et dans Rond-point des Champs-Elysées, en 1935, « …l’abrutissement international en série par la TSF, le fordisme, le cinéma ou la guerre… »
Voilà des propos que ne désavouerait pas un écolo-altermondialiste surtout quand il ajoute que le pétrole est une liqueur infiniment plus subtile dans ses effets et plus dangereuse par ses contre-coups sur la vie des nations que celle que distille le pavot persan dans les veines des hommes couchés.: « La terre bienfaisante on la trait comme une vache de son huile grasse, de sa paraffine noirâtre, verdâtre, de ses milliers de tonnes par jour et de ses trente pour cent de bénéfices nets. » phrase que ne renieraient ni monsieur Hulot, ni mademoiselle Thunberg.
Jean-Hugues O'Neill, fondateur du Cercle Paul Morand
Octobre 2020