Publié par Cercle Paul Morand

Le jeudi 10 novembre en fin de journée «  Les amis du Cadre noir » organisaient une soirée, à l’Ecole de cavalerie de Saumur, autour de la projection du film « Milady » tiré du roman de Paul Morand. Un certain nombre de personnalités, outre le Colonel Teisserenc, Ecuyer en chef du Cadre noir, et Monsieur Jean-Michel Marchand, Maire de Saumur, assistaient à cette manifestation qu’ils conclurent l’un et l’autre par une brève intervention. A l’issue de la projection un débat s’engagea entre divers protagonistes du film : acteurs (Claude Giraud et François Marthouret) ou conseillers techniques pour la Haute Ecole (Capitaine Rémiat et Alain Franqueville). La fille de Jacques Dufilho évoqua ses souvenirs. Chacun se plut à reconnaitre que l’œuvre de Paul Morand n’avait pas été trahie mais même mise en valeur par le téléfilm de François Leterrier.
Le Cercle Paul Morand était présent. Un de ses deux fondateurs a lu, en ouverture, un texte de Gabriel Jardin qui n’a pu assister à cette soirée. 
Nous vous le proposons ci-dessous :

 Paul Morand et l’art équestre 

Que dire aujourd’hui de plus d’un homme qui a dévoilé sans réticence sa passion pour l’art équestre dans l’admirable anthologie publiée à la Librairie Olivier Perrin en 1967 ? 
Que dire plutôt du cavalier puisque c’est de cet aspect-là que nous voudrions parler ? 
Mon témoignage personnel ne peut être, en la matière, que modeste. Il est celui du jeune homme que j’étais alors, quand Paul Morand me fit découvrir ce que monter à cheval représentait pour lui depuis toujours, et l’on sait qu’il n’abandonna, avec désespoir, l’équitation que lorsqu’il fut près de sa fin. 
Nous montions en Suisse, dans la plaine du Rhône, à l’extrémité orientale de ce lac Léman devant lequel il aimait passer l’hiver et où j’ai moi-même grandi. J’entrevis alors, au cours de nos reprises et de nos promenades, cette quête exigeante de l’unité avec un partenaire irremplaçable, la monture, le cheval et, en définitive avec soi-même. Morand ne l’a-t-il pas appréhendé, compris et montré dans Milady, une oeuvre littéraire demeurée en soi une leçon à elle-seule ? Et nous savons que le très beau film de François Leterrier n’a rien trahi du livre et que son auteur s’y est reconnu, comme dans une sorte de testament, en le découvrant à la télévision l’avant-veille de sa mort. 
J’entrevoyais en écoutant celui qui était mon parrain ce que le cavalier, toujours en nécessité d’aller plus loin, appelle dans un premier temps de maîtrise le « ramener », pour aboutir à l’issue d’un long apprentissage au « rassembler » afin que le cheval soit « uni », ce qui ouvre la porte à tant de possibles. Je l’entends encore me reprendre d’un ton impérieux lorsqu’au cours d’un galop en forêt, je m’étais mis debout sur mes étriers : « Assis, assis ! Nous ne sommes pas à Longchamp et tu n’es pas jockey ! ». 
Me revient en mémoire à ce propos ce qu’un père bénédictin, d’ailleurs connu de notre cher Jacques Dufilho, évoquait à ce sujet comme une ascèse, un cheminement jamais achevé, ce qu’il appelait « la voie unitive » : être uni à l’autre et par conséquent à soi-même. Paul Morand, cet homme comblé à bien des égards (ne se comparait-il pas sur le tard à un « oiseau qui a chanté tout simplement sur le sommet d’un arbre sans se poser de questions »), cet homme néanmoins tourmenté comme nous tous par des questionnements souvent sans réponse, donnait parfois l’impression de ne guère s’aimer. Or s’il a pu s’oublier en découvrant le monde avec un appétit jamais démenti, nous entraînant après lui quand nous le lisons dans ce partage jubilatoire, il a sans doute su aussi s’aimer dans la discipline équestre et l’amour des chevaux, où il se trouvait et s’apaisait, attentif à la devise du Cadre noir : « en avant, calme et droit », toujours en recherche de la perfection. 

© Gabriel Jardin, octobre 2016
   

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