Quelques mots de Gabriel Jardin
Dans un essai publié en 2006, je qualifiais Paul Morand “d’évadé permanent” et m’efforçais de dire de quelle manière cet homme insaisissable s’était fait fort d’échapper à tous les êtres, toutes les situations, questionnements, entraves qui auraient pu contrarier son appétit d’écrire la vie.
Le Journal inutile publié il y a quelques années, puis tout récemment la correspondance échangée avec Jacques Chardonne révèlent des pages éblouissantes, ponctuées d’instants où il dévoile cependant sans vergogne les zones d’ombre d’une personnalité que l’on peut percevoir alors comme dénuée de cœur. Ce faisant, il se distancie d’une réputation de grand écrivain que personne ou presque ne saurait lui contester, écornant avec une sorte de jubilation la respectabilité dont nombre de ses admirateurs auraient aimé l’auréoler. Il se fuit, en quelque sorte, fidèle à cette idée qu’il avait de toujours se méfier d’une “réputation”, celle-ci étant selon lui nécessairement fausse parce que procédant de l’humaine faiblesse.
Cher Paul, vous avez tenté, peut-être à votre corps défendant, de fuir vos admirateurs et parfois même vos amis. Vous n’avez pas vraiment réussi. Un simple “Cercle”, aujourd’hui, porte votre nom, non pas une association de dévots ou de flatteurs ; seulement le rendez-vous de ceux qui aiment votre œuvre et, peut-être en dépit de vous, se trouvent réunis de votre fait.
Gabriel Jardin
Février 2014